Neige
La neige tombe doucement au-dehors, on en oublierait presque qu'il y a quinze minutes, c'était une véritable tempête. Le ciel reste d'un blanc laiteux, les pneus des voitures font un bruit mouillé sur l'asphalte, en-dessous de ma fenêtre.
Je boucle un dossier sur l'endettement insensé des locataires d'un certain bailleur, je prépare l'organisation des élections du mois prochain, je reprends le fichier des voeux du début d'année pour le mettre à jour. Je m'occupe, je crois que je fais même du bon travail, et pourtant, ma tête est ailleurs.
J'avais pris goût à ces heures hors du temps, volée à "la vraie vie" par la maladie, et qui m'offraient une liberté d'autant plus précieuse qu'elle était inattendue.
J'avais pris goût à n'avoir à nouveau pour repères que le rythme de mon petit bonhomme, ses besoins et ses envies, et le retour de son père après le travail, le soir.
J'avais pris goût à la tranquillité de ces moments où, le petit endormi, je pouvais m'adonner librement à mon vice préféré dans la paisible compagnie de mes poilus somnolents.
J'avais pris goût au fait de n'avoir d'autre contrainte que mes désirs et mes envies, que celles-ci soient de ne rien faire ou de nettoyer la maison du sol au plafond.
J'avais pris goût au fait d'être une femme au foyer du dimanche, avec les plaisirs mais pas les obligations d'une vraie femme au foyer.