Nouveau départ
Entendre à nouveau un réveil sonner pour me réveiller le matin.
Choisir d'ignorer le babil audible à travers la porte, le temps de me doucher, le temps de me retrouver dans cette peau-là.
Accepter que le beau programme soigneusement planifié aura été mis à mal dès le premier matin, en sourire, parce qu'au fond, ça m'est bien égal.
Trouver une remplaçante de dernière minute pour la chaîne bêtement cassée au début du week-end, parce que non, vraiment, je ne peux pas rester sans ce pendentif autour de mon cou.
Renouer l'écharpe autour de son petit corps confiant, sourire de voir qu'il a tellement grandi ; le regarder, un peu coupable, se dévisser la tête pour regarder tout autour de lui, me dire qu'il va vraiment falloir que j'apprenne les nouages pour un portage dans le dos.
Le déposer chez la nounou, le sentir se raidir, pour la première fois - peut-être n'était-ce qu'une illusion de mon esprit ? Lui dire au-revoir, "à ce soir", pour la première fois aussi. En être moins affectée que je ne l'aurais cru.
Saluer les deux dames de l'accueil, me présenter, sentir la chaleur dans leur "bienvenue", en être touchée.
Gravir les escaliers, être accueillie par ma nouvelle collègue, sauter dans le train en marche, m'apercevoir qu'on parle plutôt "TGV" que "tortillard" ; avoir peur, malgré tout.
Reprendre avec elle la liste des missions, découvrir que ces domaines qui me sont (encore) étrangers lui sont (déjà) familiers. Me poser, encore et toujours, la question de ma place, de ma juste place.
Hésiter sur ce qu'il faut partager, avoir envie de dire, pour que les choses soient claires, avoir peur de l'usage qui pourrait en être fait ; on n'échappe pas aux cicatrices du passé. Dévoiler, un peu, maladroitement ; avoir peur (encore...) d'avoir été mal comprise. Lutter contre moi-même, me rappeler que la manière dont on voit les autres et les intentions qu'on leur prête sont souvent révélatrices de son propre caractère.
Rentrer déjeuner. Poser ces quelques mots. Repartir.
Plus tard...
Découvrir que le discours n'a pas été le même pour les deux personnes recrutées, ne même pas s'en étonner. Le dire, dire aussi que cela ne faisait finalement que corroborrer les impressions laissées par la conversation du matin.
Tâcher de l'accepter, parce que cela est mieux ainsi, parce qu'il ne s'agit que d'un emploi, parce que la route est longue encore vers l'estime de moi. Mais me sentir me raidir suite à une parole malheureuse, ou vécue comme telle. Me dire que l'acceptation de la réalité est parfois bien dure, quand on voudrait tourner la page une fois pour toutes, et que c'est impossible, parce qu'il faut du temps pour guérir de certaines blessures, perdre certains réflexes, en acquérir d'autres.
Rentrer, voir mon fils revenir à la maison dans les bras de son père, se ressourcer à son enthousiasme à nous revoir, à retrouver son chez-lui. Rire de ses cris et de ses gazouillis, enfouir mon visage dans son cou, le faire sauter, le chatouiller. Mettre de la musique, voir ses yeux s'allumer, danser avec lui. Ecouter son père lui donner son bain et penser que, décidément, la vie est là.
Refermer la page de cette première journée sur une impression douce-amère, plus amère que douce, la fatigue aidant ; craindre de m'être montrée trop ouverte, trop naïve, une fois de plus ; me sentir un peu perdue, un peu dépassée. Et finalement étrangement calme... Trop.