Chambre à part
J'ai vu le projet mûrir doucement rapidement dans la tête de l'Amoureux, et se verbaliser peu à peu. D'abord des lapsus presque insignifiants, puis des affirmations plus franches, mais toujours en présence de tiers : le père de mon enfant sait qu'il est des choses dont je répugne à discuter autrement qu'en tête-à-tête, et la mise au point de notre manière de gérer les différentes étapes de la vie de l'Acrobate en fait partie.
Alors, quand je l'entendais dire qu'à notre retour, notre petit bonhomme dormirait dans son lit, dans sa chambre, je serrais les dents, et je ne mouftais pas. Mais je n'en pensais pas moins. Parce que c'est facile de décider que "c'est mieux comme ça, pour tout le monde", quand on n'a personnellement à y trouver que des avantages, en oubliant un peu de regarder du côté des autres si c'est également le cas...
Notre fils n'est pas un bébé bruyant. Je vous mets au défi de passer une nuit tranquille dans la même pièce que ma nièce, ma filleule, ou la fille de la marraine de l'Acrobate. Mais en ce qui le concerne, à part quelques grognements pendant un gros quart d'heure à la plupart des endormissements et parfois, avant son réveil, c'est un petit bout de chou qui sait se faire oublier.
Sauf quand la faim (ou ces maudites coliques...) le réveillent... Là, évidemment, il faut réagir suffisamment rapidement pour éviter que les petits pleurs initiaux ne se transforment en alerte aérienne à plein volume. Normal, quoi.
Cela dit, il me paraît de plus en plus évident au fur et à mesure que les semaines passent qu'un homme et une femme ne vivent pas leur parentalité de la même manière, et mon Amoureux, lui, vit apparemment la présence de l'Acrobate dans notre chambre comme une ingérence, pour ne pas aller jusqu'à dire une gêne.
Alors, le coup du "ce sera mieux pour tout le monde", je l'avais un peu en travers de la gorge. Parce que pour moi, le bébé dans sa chambre, ça signifiait surtout devoir me lever et courir en pleine nuit dans une autre pièce pour l'allaiter avant qu'il n'ait réveillé tout l'immeuble. Comparez à "attraper le petit gnome dans son couffin posé juste à côté de moi", et je pense que vous comprendrez...
Je faisais donc de la résistance passive, en me disant qu'on en rediscuterait quand on serait de retour chez nous, seuls et tranquilles.
Et puis, l'avant-veille de notre retour, il y a eu un soir sans.
Un soir où rien ne se passe bien, un soir où le bébé semble être victime d'une agression dès que vous faites un mouvement, où lui donner le sein ne le satisfait pas, où l'en ôter le frustre, où essayer de le coucher dans son berceau le fait hurler, où le bercer ne rencontre que pleurs et cris. Un soir où vous laissez son père et l'ami chez qui vous êtes prendre le relais, et où vous vous cachez au fond de votre lit pour sangloter tout votre saoul, en vous culpabilisant de tout et de son contraire.
Et quand les pleurs de votre tout-petit se sont calmés, parce qu'il a retrouvé ce qu'il désirait (un peu de compagnie et plus d'animation que dans la chambre à coucher), et que vous vous êtes vous-même un peu apaisée, vous vous surprenez à penser que oui, ce sera bien quand il sera dans sa chambre, que vous ne vous surprendrez plus à veiller malgré vous pour guetter ses gémissements et ses grognements, que vous pourrez lire un peu en vous couchant si vous le souhaitez, sans crainte que la lumière ne le dérange dans son sommeil si léger du début de nuit...
Cette nuit, à notre retour de vacances, l'Acrobate a dormi dans sa chambre, dans la nacelle qui lui a servi de couffin ces dernières semaines, elle-même posée dans son lit.
Sans que ça ait l'air de le perturber...